Les Fleurs du Mal
Gentle13
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Au milieu de la Fête, nous avons retenu la parution que nous propose Diane de Selliers (La Petite Collection) qui, plus qu’un livre, est un véritable miracle...
Les Fleurs du Mal ont tant fait couler d’encre, agité juges et magistrats, mis en déroute les images anciennes, poursuivi les rêves et les cauchemars pour mettre sur le visage des sentiments des mots coulés dans la pourpre même du sang, qu’il se devait d’être un symbole : celui de notre immortalité sur la barque du Verbe ! Diane de Selliers a gagné son pari en accompagnant les textes de Charles Baudelaire par la peinture symboliste et décadente.
La Poésie, comme un paysage trouve son écho dans la couleur et le trait de son époque et la peinture se penche au dessus de ces textes que le poète a dérobés dans la chambre des mondes... Un va et vient s’organise surprenant la beauté dans sa robe crépusculaire, et le monde infidèle à ses promesses, trempe ses mensonges dans le mirage de l’âme où chaque flacon peut devenir un cercueil de verre...
Le lecteur est alors l’otage de ce monde fantasque où la crinière de l’ombre murmure la chevauchée du cœur, jamais assouvi...
Notons l’avant propos magistral de Diane de Selliers qui s’ouvre sur les vers du poète.
« car j’ai de chaque chose extrait la quintessence Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » C’est ainsi que Charles Baudelaire a tenté « d’extraire la beauté du mal », mais le chemin était encore vierge et le voyage fut mouvementé. Le poète s’est alors retrouvé au milieu de la Terra Incognita... qui aurait pu l’ensevelir... mais c’était compter sans le génie du poète...
Il est devenu l’explorateur d’un pays que nous ne connaissons pas et qui marche à tâtons dans la nuit de nos êtres...
Un mot aussi sur l’excellente préface signée Jean-David Jumeau-Lafond dont je cite un extrait :
"Avec les Fleurs du Mal, Baudelaire investit l’univers symbolique et transpose mentalement le spectacle de la vie en sensation, les paysages en états d’âme, les formes en visions oniriques, il invoque les correspondances, et chante les vies extérieures pour affirmer la vie spirituelle de l’artiste et « le secret douloureux » de sa subjectivité. Dans ce sens, il crée la poésie moderne. L’attitude du poète révèle, autant que son œuvre, cette revendication au droit d’être soi et personne d’autre."
Il fallait un écrin exceptionnel pour un livre immortel et Diane de Selliers, toujours fine et intuitive, a su le trouver. Lecteur, achète, sans remords ce recueil dont tout le monde connaît le titre et dont si peu ont traversé les yeux de l’âme...
Soulignons que cet ouvrage réunit l’intégralité des poèmes des "Fleurs du Mal", qu’il est illustré par cent quatre vingt cinq œuvres peintes, dessinées, lithographies, aquarelles, datant de la fin du XIXème siècle. Bien plus qu’un livre, ce recueil représente à lui seul, la conquête d’un monde invisible que l’homme appelle tout simplement « le cœur ». Ce poète d’ombre et d’azur a trouvé le Cercle d’Or où la naissance et la mort n’ont plus qu’un seul visage... celui de la lumière perdue dans les ténèbres !!!...
"Les Promesses d’un visage,
J’aime, ô pâle beauté, les sourcils surbaissés,
D’où semblent couler des ténèbres,
Tes yeux, quoique très noirs, m’inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux languissamment, me disent : « si tu veux,
Amant de la muse plastique,Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses ;Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze.Une riche toison, qui, vraiment, est la sœur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure ! »« La Fontaine de sang,
Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu’une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l’entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.A travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s’en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge nature.J’ai demandé souvent à des vins captieux
D’endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend l’œil plus clair et l’oreille plus fine !J’ai cherché dans l’amour un sommeil oublieux ;
Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !"